Voltaire et Émilie Du Châtelet à Cirey : une découverte exceptionnelle

Parmi les lieux de mémoire incarnant les Lumières, peu de noms résonnent à l’égal de celui du château de Cirey en Champagne, où Voltaire partagea durant quinze ans la vie d’Émilie Du Châtelet, après la publication et la censure de ses Lettres philosophiques. Le site évoque encore leur couple légendaire, une complicité rare de cœur et d’esprit, l’intensité intellectuelle d’une rencontre d’exception. C’est à Cirey que Voltaire écrivit ses Éléments de la philosophie de Newton, son Traité de métaphysique, ses Discours en vers sur l’homme. Plusieurs ouvrages qui marqueront la suite de sa carrière y furent aussi commencés : le Siècle de Louis XIV, l’Essai sur les mœursLa Pucelle entre autres. Émilie cultiva de son côté à Cirey les sciences, les mathématiques et la physique surtout, avec la passion qu’elle mettait à toutes choses, réalisant par exemple la première traduction française commentée des fameux Principia mathematica de Newton, qu’elle acheva quelques jours avant sa mort en 1749.

Le château passera en 1765 au fils d’Émilie, Louis-Marie-Florent, qui en fit don en 1789, peu avant la prise de la Bastille, à sa nièce par alliance, Mme de Simiane, née Diane-Adélaïde de Damas. Après quoi Cirey allait rester dans la famille des Damas jusqu’à la fin du XIXe siècle.

Le château fut vidé sous la Révolution : quand Mme de Simiane en reprit possession, elle n’y trouva pas seulement une chaise pour s’asseoir. On pensait savoir que les archives des Du Châtelet et la bibliothèque de Cirey avaient été dispersées ou détruites, mais ce n’était pas le cas et nous avons appris en 2010 que la bibliothèque et les archives du château existaient encore, ayant survécu à la Révolution. La bibliothèque avait été installée en 1892 dans la nouvelle maison des Damas, construite pour eux à quelques lieues au nord de Cirey, en pleine campagne, et les archives, emplissant dix grandes caisses de bois, furent alors remisées dans le grenier. Elles s’y trouvaient toujours, cent vingt ans plus tard…

Les archives de famille proprement dites, vaste ensemble datant du XIIIe siècle à la Révolution, sont entrées, en août 2012, aux Archives départementales de la Haute-Marne à Chaumont.

Les manuscrits scientifiques et personnels d’Émilie Du Châtelet et Voltaire, par contre, ont été vendus aux enchères à Paris le 29 octobre 2012. Parmi eux, plusieurs pièces d’un intérêt tout à fait exceptionnel : un manuscrit des Éléments de la philosophie de Newton, celui-là même qui fut offert par Voltaire à Émilie Du Châtelet, portant des notes de la main de l’un et de l’autre ; les manuscrits de l’Exposition abrégée du système du monde selon les principes de monsieur Newton, abondamment corrigés de la main de Mme Du Châtelet, qui manquaient au dépôt de sa traduction à la Bibliothèque du roi, effectué juste avant sa mort ; deux manuscrits de son étude majeure et inconnue sur l’optique de Newton ; diverses notes de la main de Voltaire ; plusieurs carnets de travail de Mme Du Châtelet sur la géométrie, l’arithmétique, l’optique ; un volume de notes sur l’histoire de la religion, utilisé par Mme Du Châtelet, soit pour ses propres études, soit dans des travaux croisés avec Voltaire.

Nous remercions celles et ceux qui ont généreusement contribué à l’appel lancé par le fonds de dotation Voltaire.